« La jeunesse doit être une et indivisible au service de son présent et surtout de son futur… »
Passionné des TIC et agent de la collectivité locale de la Commune d’Avrankou, Finagnon Aubin Kpoviessi est un jeune leader militant engagé qui concilie au quotidien sa vie associative et son travail d’agent de la collectivité locale.
Bonjour Monsieur ! Présentez-vous à nos lecteurs s’il vous plait !
Je suis Finagnon Aubin KPOVIESSI. J’ai 36 ans, je suis agent de la collectivité locale en service à la mairie d’Avrankou. Je suis naturaliste de formation par amour pour la nature, mais je dois avouer que j’ai toujours été plus intéressé par l’informatique. J’ai commencé les cours de traitements de textes avec MS DOS, et de dessin avec Paint en 1999 en classe de Cinquième. En 2001, j’ai découvert internet avec les IBO qui venaient utiliser le Bénin pour leur commerce/arnaque en ligne. Là j’ai découvert un outil important qui pourrait permettre de lier les hommes à travers le monde. En 2010, j’ai bénéficié d’une formation intitulée ‘‘Opportunités d’apprentissage du Web 2.0’’ initiée par le Centre Technique de Coopération Agricole ACP-UE (CTA) et qui a formé 75 personnes au Bénin. C’est à cette formation que j’ai compris comment les outils du peuvent accompagner le développement à la base. J’ai fait le programme YALI en mai-juin 2017 et j’ai suivi plusieurs formations sur le numérique, la gouvernance et le développement local en ligne sur Yali network, France Université Numérique et à travers beaucoup de formation organisées ici au Bénin.
Cela fait plusieurs années que vous vous investissez à servir votre communauté. Dites-nous les domaines que prend en compte votre engagement civique ?
J’ai commencé par la protection de l’environnement, mais aujourd’hui je me concentre sur la participation des citoyens à l’élaboration, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des politiques publiques, via l’usage d’outils numériques. Je suis toujours dans la citoyenneté de façon globale, car je ne manque pas de faire quelques interventions dans l’éducation, les droits de l’homme, l’environnement.
D’où est parti votre engagement civique ?
En 2004, je reprenais la classe de seconde quand j’ai connu le programme GLOBE où j’étais chef d’équipe pour relever quotidiennement les données atmosphériques. Pour un homme du village forestier comme j’aime le dire, c’était l’opportunité de mieux comprendre comment analyser la destruction de l’environnement. Cela m’a conduit dans les Clubs Connaître et Protéger la Nature (CPN) de l’ONG GRABE-BENIN où j’ai réellement commencé à interagir avec la communauté en 2004. Mon centre d’intérêt était la protection de la nature de façon globale avant que je ne concentre sur la sécurité alimentaire et la lutte contre les OGM. En lisant les écrits sur la propriété intellectuelle, j’ai compris qu’il faut travailler avec les citoyens à mieux connaître les débats qui se font entre les politiques et les firmes pour décider de leur sort. D’où la nécessité de partager les informations publiques aux citoyens. J’y ai travaillé au sein de GRABE-BENIN ONG jusqu’en 2012 où j’ai été sollicité par la mairie d’Avrankou pour commencer par développer l’usage du numérique au sein de l’administration communale, mais aussi d’assurer la communication digitale de la mairie sur les réseaux sociaux et site web. J’ai donc créé un compte puis une page Facebook pour la mairie qui y publiait toutes les informations liées aux prestations et activités de l’administration communale. Pour des raisons de service, j’ai dû passer à autres tâches au sein de l’administration communale. J’ai été agent de bureau de vote de 2006 et 2008, et observateur, e-observateur, moniteur puis factcheker de la société civile depuis 2011. J’ai eu le temps de comprendre que les citoyens n’attendent que les échéances électorales pour échanger avec les politiciens. Alors il faut faire quelque chose pour changer la donne. C’est pour cela que j’ai décidé de participer au Yali Dakar, dans le track civic-tech sur la participation des jeunes à la gouvernance locale. Quelques jours après mon retour de Dakar, le maire feu Eugène LONEGNON m’a nommé à la tête de la division TIC qui venait d’être créée à la mairie. A ce poste je dois assurer le développement du numérique au sein de la commune et assurer la communication digitale de la mairie. La justesse de la nomination avec ma formation de Dakar m’a fait prendre cela comme à la fois un message et une mission à assumer à tout prix. En mars 2018, j’ai soumis la candidature de la commune pour bénéficier du projet CiTé.bj de l’ANCB, candidature qui a été retenue et nous avons pu organiser plein d’activités sur les trois ans que le projet va boucler en mai prochain. Aussi, avec d’autres amis, nous avons initié le projet Citoyen229 qui a permis de former 100 jeunes des 12 départements sur la participation des jeunes à la gouvernance locale, grâce au financement du gouvernement de l’Etat américain.
D’où trouvez-vous cette énergie dont vous faites montre à travers votre engagement vu que vous agissez sans rémunération ?
Je dois nuancer. Mon engagement dans la vie associative est bénévole, mais je suis salarié de la communauté, à la mairie d’Avrankou toujours sur la civic-tech. Il faut dire que c’est la vie au village, mon parcours associatif et l’envie de changer les choses qui me conduisent à ne pas me lasser d’agir.
Comment arrivez-vous à mobiliser et coordonner d’autres jeunes comme vous quand on sait que votre engagement est totalement bénévole ?
Même si beaucoup de jeunes ne sont pas disposés à s’engager, il existe un nombre pas insignifiant qui n’attendent qu’à être réveillés par les mots pour s’impliquer. Il n’y que les séances d’échange et de partage d’expériences qui me permettent de mobiliser les jeunes. Mais j’avoue que ça ne marche pas tout le temps.
Quels sont les résultats clés obtenus ou les impacts concrets créés par vos actions sur le terrain ?
Nous avons pu atteindre quelques résultats, mais les travaux continuent. La mairie d’Avrankou a déjà organisé plusieurs fora de jeunes et de femmes sur les questions de citoyenneté, de développement local et du numérique. Nous avons eu la mise en place par le projet CiTé.bj des applications ‘‘Parole au Citoyen du Territoire’’ (ePACT) pour la gestion des plaintes, GoLocal pour géolocaliser les problèmes physiques sur les infrastructures publiques ; SPAIC pour le suivi de la mise en œuvre des Plan de développement Communaux (PDC) et Plan Annuels d’Investissement de la commune (PAI) et Participer pour les sondages et la mise en œuvre du budget participatif. Nous avons été la première commune du Bénin à expérimenter l’évaluation citoyenne. Actuellement nous préparons une émission plein air, en direct et interactif sur une radio. Nous avons organisé une vingtaine de formation au profit des jeunes et des filles d’Avrankou et d’ailleurs. Nous avons essayé d’adhérer au Partenariat pour le Gouvernement Ouvert, mais nous n’avons pas pu soumettre notre candidature car au niveau étatique, nous ne sommes pas encore membre. Néanmoins, nous continuons la mise en œuvre des principes du gouvernement ouvert et nous bénéficions désormais de l’Initiative Communes Ouvertes de Social Watch Bénin. Aujourd’hui et mieux qu’hier, les citoyens sont plus aptes à participer à la gestion de la commune. De plus en plus, l’exigence de redevabilité vient des citoyens.
Au niveau du Benin Yali Alumni Association, plusieurs initiatives ont été prises par l’association ou par les membres, dans le but de renforcer la citoyenneté à la base. Je prends l’exemple des Mandela Day où nous accompagné financièrement des membres à organiser des activités dans leurs communautés. L’association prépare actuellement un camp dénommé Youth Policy Camp, sur les politiques publiques à travers son département Public Management.
Vous êtes aussi responsable au sein du Benin Yali Alumni Association. Comment parvenez-vous à gérer tout cela avec vos obligations professionnelles ?
Sur cette question, je dois remercier mes pairs du bureau du BYAA, notamment le Président Hermion Dokoui et la SGA Miguèle Houéto qui m’accompagnent pour la réussite des actions de l’association, lorsque le service ne me permet pas de répondre. Mais dès que j’ai une possibilité, j’en profite pour régler beaucoup de choses à la fois. Nous sommes d’accord qu’il y a beaucoup à faire lorsque c’est le politique qui décide faire de la participation citoyenne le pilier de sa gouvernance. Et cela rentre dans les souhaits du BYAA sur les questions de gestion des affaires publiques.
Quelles sont les plus grands projets que vous exécutez de cette année au profit de votre communauté malgré la pandémie de la COVID19 ?
A la mairie, nous avons des formations sur la citoyenneté, la sécurité en ligne, le factchecking, l’application ePACT. Nous avons organisé une formation sur l’usage des réseaux sociaux. Nous venons de finir l’évaluation citoyenne de la qualité de l’accueil et des prestations des services de l’état civil et de gestion foncière à la mairie et dans les arrondissements de la commune.
Quelles sont les valeurs qui fondent au quotidien votre vie de citoyen actif ?
Je me dis simplement que la population me fait et me paie pour être à son service. Aussi, tout ce dont j’ai bénéficié, je dois le partager avec la communauté.
Avez-vous un appel particulier à lancer à la jeunesse béninoise ?
La jeunesse doit être une et indivisible au service de son présent et surtout de son futur. Nous ne pouvons pas être la plus grande partie de la population et demeurer les victimes des décisions des aînés qui ne nous associent guère. J’invite chaque jeune à prendre ses responsabilités en se formant, en s’informant et en devenant un acteur du changement souhaité.